Intelligence artificielle et logo : peut-elle remplacer les graphistes ?

Que tu sois graphiste ou non, tu as déjà forcément entendu parler de l’intelligence artificielle (IA) en création de logo, et plus globalement dans les métiers de l’image et de la communication.

Peut-être même que si tu es sur cet article, c’est parce que tu songes à faire créer ton logo par une IA, pour ton entreprise.

Dans ce billet, je te propose une expérience ! Je t’explique : mon logo est déjà créé par mes soins, puisque je suis graphiste. Je vais demander à plusieurs générateurs de logo par IA gratuits de reproduire mon logo.

L’objectif est de voir si l’IA aurait pu créer mon logo à ma place, comme je l’ai imaginé, si j’avais fait appel à elle. Et de constater s’il y a des loupés, ou non.

En résumé, on va voir ensemble si l’IA peut faire aussi bien ou mieux que les graphistes. C’est parti !

Intelligence artificielle et création de logo : méthodologie de l’expérience

Les détails de l’expérience

Tout d’abord, même s’il ne s’agit clairement pas d’une expérience scientifique, je vais quand même faire en sorte de suivre le plus de rigueur possible. Mon regard est forcément biaisé de base, puisque je suis graphiste et que je n’ai pas envie (du tout) que l’IA me vole mon travail.

Mais pour le bien de notre expérience, je vais mettre mon point de vue de côté et me mettre dans la peau d’une personne qui n’a pas les moyens de faire appel à une graphiste, et qui va donc se tourner vers les logo générés par IA pour son entreprise.

Je ne te le cache pas, j’espère sincèrement que l’intelligence artificielle va me sortir des propositions ridicules. Mais qui sait, peut-être que mon métier est déjà en danger ?

Je mène cette petite expérience en juillet 2024. Le domaine de l’intelligence artificielle est en constante évolution, très rapide en plus de ça. Si tu lis cet article plus tard, sache que je compte retenter l’expérience tous les ans pour voir comment les choses évoluent !

Mon logo tel que je l’ai créé

Je vais demander à l’IA de (re)créer mon logo le plus fidèlement possible. Si tu n’as pas lu l’introduction de l’article, je t’y explique l’objectif de cette expérience. Voici mon logo tel que je l’ai créé, et qu’elle devra (re)produire :

J’ai choisi de faire créer mon logo en vectoriel (car c’est à ce format qu’un vrai logo doit être : il permet d’agrandir ou de rétrécir le logo à l’infini, sans perte de qualité). 

Les indications que je vais donner à l’IA pour créer mon logo

Quand on génère quelque chose par IA, peu importe ce que c’est (texte, images, son, vidéo…), il faut lui donner un “prompt”. C’est en fait un paragraphe qui lui explique le rendu que l’on souhaite avoir. Pour cette expérience, le prompt est en anglais car l’intelligence artificielle gère généralement mieux en anglais. Voici donc mon prompt (merci à Maxime Champigneux de m’avoir aidée !), en français :

« Un logo. Silhouette complète d’une biche élégante en position debout, orientée vers la droite avec la tête inclinée vers le haut, grâce et beauté naturelle. La biche est colorée d’un ton uni #591400, avec un effet de tampon pour texturer. Un tournesol détaillé est intégré en espace négatif sur son dos, des feuilles de lierre montantes ornent ses pattes et son cou. Un cœur et trois petites étoiles entourent délicatement la tête de la biche, ajoutant une touche de charme et de magie. Arrière-plan vide. »

Les générateurs de logo IA que je vais utiliser

Je vais demander à sept générateurs de logo gratuits de créer mon logo. Il s’agit de Neural Love, PhotAi, RecraftAi, VectorArt, VectorMind, Kittl et l’IA d’Adobe Illustrator.

À chaque fois, je vais produire trois logo pour donner plus de chances à l’intelligence artificielle de réussir (même si j’espère secrètement qu’elle va se planter en beauté, mais chut, ça elle ne le sait pas et ne peut pas le comprendre de toute façon ;)).

À noter que ce sont à 100% des générateurs qui partent uniquement de mon prompt. Dans ce test, je n’utiliserai pas de créateur de logo qui “imbrique” des éléments entre eux.

Tous ces outils créent des images vectorielles, ce qui est non négociable à mes yeux pour un bon logo (comme je te l’expliquais dans la sous-partie “Mon logo tel que je l’ai créé”).

Parlons un peu de l’intelligence artificielle en création visuelle

Quel type d’intelligence artificielle génère des images ?

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il me faut t’expliquer comment fonctionne une intelligence artificielle génératrice d’images. Si cela ne t’intéresse pas, rendez-vous en partie suivante pour voir le cœur de l’expérience !

Les outils que je vais utiliser sont des intelligences artificielles génératives. Voici ce qu’en dit Wikipédia : “L’intelligence artificielle générative ou IA générative (IAg ou GenAI) est un type de système d’intelligence artificielle (IA) capable de générer du texte, des images ou d’autres médias en réponse à des invites (ou prompts en anglais)”.

OK, ça c’est pour la partie définition, mais Wikipédia a aussi ajouté ce paragraphe qui, je pense, est extrêmement important : “Elle peut contribuer à des usages abusifs, accidentels ou détournés (militaires notamment), à une suppression massive d’emploi, à une manipulation de la population via la création de fausses nouvelles, de deepfakes ou de nudges numériques.”

Maintenant que les bases sont posées, creusons encore.

Comment l’IA générative fonctionne-t-elle ?

L’IA générative utilise des modèles d’apprentissage automatique (qu’on appelle communément par son anglicisme ”Machine Learning”) pour générer du contenu de façon autonome (ou presque, puisqu’on doit quand même lui apporter de la matière).

C’est aussi là que la question éthique pour les artistes se pose (mais on en reparlera en détails dans un prochain article de blog dédié !).

Plus spécifiquement, l’IA générative fonctionne sur la base du deep learning, qui est une sous-discipline du Machine Learning. Là, on peut penser qu’on commence à se rapprocher du cerveau humain, puisque cette méthode crée des réseaux de neurones artificiels.

Cependant, ce nom de “neurone” désigne des techniques qui amènent l’ordinateur à réaliser en autonomie des tâches qu’on lui a demandées (ici, ce sont les “prompts” que je vais lui envoyer pour créer mon logo).

Pour vulgariser, l’IA apprend afin de se perfectionner. Elle apprend des schémas et des relations dans un groupe de données programmées et créées manuellement, par des humain.es. Elle interprète donc des données brutes, et essaie de proposer les résultats les plus fidèles possibles à ce qu’aurait pu produire une personne. C’est justement ce qu’on va mettre à l’épreuve dans notre expérience sur la création d’un logo par IA.

Si tu veux rentrer encore plus dans le détail sur le fonctionnement de l’IA générative, rendez-vous dans mes sources en bas d’article (la numéro 4).

Intelligence artificielle et création de logo : c’est parti pour le crash test !

Premier test avec l’IA génératrice de logo vectoriel « Neural Love »

Là où l’IA a réussi :

Bon, concrètement, la seule proposition où on distingue une biche est la première à gauche. L’IA a plus ou moins « compris » qu’il fallait aussi des feuilles et une fleur. Pour les deux dernières propositions, l’IA a bien compris la consigne d’un fond vide / blanc. Deux biches ont un port de tête redressé légèrement.

Les ratés de l’IA :

Honnêtement c’est la moins performante de ce test. Sur le deuxième et le troisième « logo », on ne sait pas à quel animal on a affaire. Surtout la dernière : est-ce un chien, est-ce un faon, ou un renard…? Il n’y a pas de tournesol, ni d’étoiles, ni de cœur. Les couleurs ne sont pas respectées non plus.

Deuxième test avec l’intelligence artificielle « PhotAi »

Là où l’IA a réussi :

L’IA a respecté la contrainte de la silhouette, et a fait de son mieux pour la posture ! Les fonds sont bien vides. Je pense qu’elle a aussi compris la notion d’espace négatif.

Les ratés de l’IA :

Tout le reste est un échec (ce n’est pas une biche, pas la bonne couleur, pas d’effet de tampon, pas de tournesol ni de feuille, pas de cœur et étoiles…).

Troisième avec l’intelligence artificielle de logo « RecraftAi »

Là où l’IA a réussi :

L’IA a retranscrit une silhouette de biche (même si la première est plutôt un faon). Elle a aussi compris la notion de feuilles et de fleur, et l’orientation de la biche vers la droite ! La couleur que j’ai demandée est présente. On a même droit aux petites étoiles. L’arrière-plan vide est respecté.

Les ratés de l’IA :

Il n’y a pas d’effet de tampon, les feuilles et tournesol ne sont pas incrustées. Il manque le cœur. L’IA est partie sur une interprétation loin de la mienne, avec la biche qui s’inscrit dans des ronds mais qui sont trop détaillés pour un logo… On serait plutôt sur des illustrations avec ce niveau de détail.

Quatrième test avec l’IA créatrice de logo vectoriel « VectorArt »

Là où l’IA a réussi :

Pour les deux premières propositions, on a bien une silhouette et un essai d’espace négatif avec des feuilles sur la première. On a des tournesols sur la première et la troisième, des feuilles sur toutes, et un arrière-plan vide. 

Les ratés de l’IA :

Si on met à part la deuxième proposition avec Bambi adulte et Panpan, nous n’avons pas là des biches mais des cerfs… Les couleurs ne sont pas respectées, la posture n’est pas au top, on n’a ni cœur ni étoiles, ni effet tampon.

Cinquième test avec l’IA génératrice de logo vectoriel « VectorMind »

Là où l’IA a réussi :

Surprise ici, l’intelligence artificielle a cherché à recréer l’effet tampon mais plutôt sous forme de « gravure ». Il y a un effort du côté du style, ce qui est assez rare. On a bien des biches, pas de bois ici ! Ainsi que des feuilles, des fleurs, et un arrière-plan vide.

Les ratés de l’IA :

Ce sont des portraits, pas des silhouettes entières. On est de nouveau sur de l’illustration et non de la création de logo. Les couleurs ne sont pas OK, il n’y a ni étoiles ni cœur, les feuilles et fleurs ne sont pas incrustées dans le corps de la biche.

Sixième test avec l’IA « Kittl »

Là où l’IA a réussi :

C’est selon moi l’intelligence artificielle qui a le mieux réussi à recréer mon logo (mais regarde quand même le dernier test qui est sensé être le test « ultime »). La silhouette et la posture sont plutôt bien respectées. On a des feuilles et des tournesols sur toutes, un arrière-plan vide. Et surtout, on a des feuilles et/ou tournesols incrustés dans le corps en espace plus ou moins négatif. 

Les ratés de l’IA :

Encore une fois on a bien trop de détails pour un logo, en tout petit on ne distinguerait plus rien du tout… Ce sont davantage des illustrations. Les couleurs ne sont pas respectées, on n’a toujours pas nos étoiles et le cœur. Pas d’effet tampon non plus sur ces silhouettes ! Mais surtout, même si niveau style elle a réussi le test, l’IA a voulu que deux propositions de biches aient cinq pattes…

Le crash test ultime : l’IA vectorielle d’Adobe Illustrator !

Là où l’IA a réussi :

OK, là, on est sensés être avec les spécialistes de la création de logo vectoriel : Illustrator. La silhouette est respectée (même si la biche ne lève pas la tête), la couleur aussi, et on a des essais vagues d’incrustation de motifs sur le corps. Le fond est vide, on a des feuilles et des tentatives de tournesols.

Les ratés de l’IA :

Les feuilles et les tournesols ont l’air d’avoir été placés là au hasard et ne sont pas incrustés dans les silhouettes… On n’a pas d’effet tampon, pas de cœurs ni d’étoiles (mais on commençait à être habitué.es). La deuxième proposition n’est pas très réaliste pour une silhouette de biche.

Conclusions de l’expérience IA versus Graphiste

Qu’est-ce que l’intelligence artificielle peut faire en création de logo ?

Tu l’as vu, les résultats varient beaucoup d’un outil à un autre. Globalement, l’intelligence artificielle retranscrit les grandes lignes de ce que je lui demande : une biche, des fleurs, des feuilles… Certaines « comprennent » davantage de subtilité, d’autres passent complètement à côté. 

Qu’est-ce qu’elle n’est pas capable de faire en 2024 ?

Il y a généralement tellement de détails sur les « logos » proposés qu’on n’a plus un logo mais une illustration ! Mais en ce qui concerne les petites étoiles et le petit cœur autour de la tête de la biche, c’est un immense flop.

Aucune d’elles n’a réussi à saisir l’essence de mon logo : l’effet tampon n’était pas au rendez-vous, les couleurs ne correspondaient souvent pas. Elle a eu le plus grand mal à saisir la notion d’espace négatif, avec le tournesol et les feuilles incrustées dans le corps (c’est pourtant un terme très répandu dans le domaine du design graphique, et une IA spécialisée en génération de logo devrait le comprendre très bien…). 

D’un point de vue technique, les formats vectoriels que m’a fournis l’IA sont très peu personnalisables, voire pas du tout, ce qui est un gros point négatif. Même Illustrator n’a pas réussi à me donner un fichier exploitable et personnalisable à souhait !

 

Point le plus important : j’ai trouvé presque tous ces logo plats, sans émotion (la seule IA qui a réussi à me procurer un peu de douceur est la numéro six, la numéro cinq était quand même aussi très élégante). J’ai vraiment ressenti une « conformisation » des logo que m’a proposé l’IA : et comment pourrais-je lui en vouloir ? C’est une machine, elle n’est pas humaine. On en vient donc à mon dernier point…

Est-ce que l’IA peut remplacer le travail des graphistes ?

Ma réponse est sincère : en 2024, l’intelligence artificielle ne peut pas générer de logo aussi poussés et professionnels que ce que pourraient créer les graphistes. Je pense que ça peut être éventuellement une solution très, très provisoire si tu n’as pas le budget de faire appel à un.e graphiste, mais si tu veux une image de marque professionnelle et remplie d’âme, l’intelligence artificielle n’est clairement pas la solution.

Pour l’instant, l’IA ne peut se substituer à la créativité, à la compréhension, à l’analyse stratégique et à la sensibilité de graphistes humain.es. Peut-être qu’elle s’en rapprochera au fil du temps, mais je suis persuadée qu’elle ne pourra pas nous remplacer de sitôt !

Il me faut aussi te parler du fait que l’IA ne travaille pas à partir de « rien » : les bases de données sont alimentés par des personnes, et souvent, ce qui alimente ces bases de données, ce sont des créations humaines. Donc, peut-être qu’en faisant créer ton logo par l’IA, tu te retrouveras en fait avec un plagiat d’une autre création, d’un autre logo. Tout de suite, ça fait moins rêver, en plus de souligner le fait que l’œuvre ne sera pas aussi unique que celle des graphistes…

Mon meilleur conseil si tu n’as pas le budget pour faire créer ton logo : n’en crée pas ! Mieux vaut pas de logo qu’un logo sans profondeur, ou pire, défectueux (on en reparle des biches à cinq pattes ? :p).

Le plus important pour ton branding, c’est ton identité visuelle qui englobe couleurs, polices d’écriture et univers photographique au minimum. Le logo n’est pas obligatoire, même si tout le monde pense le contraire. D’ailleurs, je t’explique en détails dans cet article pourquoi un logo seul ne suffit pas !

Pour résumer…

Tu l’auras compris, je ne pense pas que l’intelligence artificielle permettra bientôt de créer des logo à la place des designers. Même si j’ai quand même eu de belles surprises (notamment avec Kittl), je pense qu’aucun de ces logo n’est vraiment viable du point de vue de l’originalité, des détails, ou de la précision.

Le tableau comparatif de la dernière partie montre clairement qu’aucune IA n’est parfaite dans le domaine, même si certaines cochent plus de cases que d’autres.

À suivre l’année prochaine, pour faire un nouveau test…! 🙂

J’espère que cet article t’aura été utile et t’aura permis de découvrir les limites de l’intelligence artificielle en génération de logo vectoriel.

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Les sources et les liens pour aller plus loin

  1. Intelligence artificielle générative (Wikipédia) – Page en ligne
  2. IA générative et autres types d’IA (Adobe) – Article en ligne
  3. Intelligence artificielle générative : de quoi parle-t-on ? (Bigmedia – bpi France) – Article en ligne
  4. IA générative (Generative AI) : Qu’est-ce que c’est ? Comment ça fonctionne ? (Data Scientest) – Article en ligne
  5. Machine learning Life cycle (javatpoint) – Article en ligne en anglais
  6. IA, machine learning, deep learning, IA générative : quelles différences ? (LeMagIT) – Article en ligne

Jade

Je suis graphiste spécialiste en identité visuelle. Je travaille avec des entreprises et associations au service des Animaux, de la Nature et de l’Humain. Je propose également des formations en ligne pour les graphistes travaillant avec passion !

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Mon approche est polyvalente (identité visuelle, supports de communication, packaging…) et trouve ses racines dans l’éco-conception, l’inclusion et la co-création.

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